21/10/2020

Comme chaque année, une nouvelle édition de ” La France associative en mouvement  ” dresse un portrait actualisé de la vie associative, à partir des dernières données disponibles sur les créations d’associations, le bénévolat et le volontariat ainsi que sur l’emploi

Graphique bonhomme

Au-delà de l’année 2019, cette édition se prolonge jusqu’à la fin du 1er semestre 2020, avec les premiers indicateurs des effets de la crise sanitaire sur les associations. Premiers effets analysés par Roger Sue, président du comité d’experts de Recherches & Solidarités, dans sa préface qu’il intitule « De la résistance à la résilience ».

Une 18ème édition déclinée selon différents formats : l’étude complètela synthèse– l’infographie des chiffres clés – l’infographie sur les premiers effets du COVID-19

Une présentation synthétique, réalisée avec le soutien de l’Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire (injep), reprend les mêmes éléments à l’échelle de chacune des régions. Téléchargez les chiffres clefs de votre région.

Préface de Roger SUE
De la résistance à la résilience
Si la vie associative n'a jamais été aussi présente et intense dès l'irruption de la pandémie, les associations elles-mêmes n'en ont pas moins été très durement impactées par la crise sanitaire. Comment expliquer ce paradoxe ? Et quelles leçons en tirer ?
À l'aune des résultats présentés dans cette nouvelle édition 2020 de La France associative en mouvement, le trou d'air est violent et laissera des traces. Ainsi, la moyenne des nouvelles associations qui, bon an mal an, tournait autour de 70 000 créations dans l'année, est descendue à 65 000 (de juin 2019 à juin 2020), avec une récession particulièrement marquée au deuxième trimestre 2020, durant les mois de confinement. Le bénévolat formel qui marquait déjà le pas chez les plus de 65 ans, piliers du monde associatif, a également été touché, non par le manque de volontaires mais parce que les deux tiers (!) des associations se sont retrouvées en situation d'arrêt forcé… On se doute également, qu'à l'instar des entreprises, l'emploi, toujours plus fragile dans les associations, a subi une perte estimée à 60 000 postes sur le seul semestre 2020.
L'érosion reste néanmoins contenue. Ce qui est d'autant plus remarquable que les associations, pourtant premier employeur privé de France, n'ont bénéficié qu'avec retard des aides spontanément accordées aux entreprises, comme le chômage partiel. Avec les moyens du bord et en dépit du ralentissement généralisé, les associations ont fait comme à l'habitude preuve de résistance, étant particulièrement sollicitées sur la période.
Mais le plus important n'est sans doute pas là et ne se résume pas à des chiffres. Plus que de résistance, c'est de résilience dont il faut parler. De forte réactivité. Souvent privés de leur coeur de métier, la plupart des associatifs ont agi autrement. En répondant aux besoins immédiats des populations en matière d'accueil, d'accompagnement, d'aides à domicile, de secours alimentaire, d'animation, d'information, de prévention, voire de prescription dans les comportements. Bref, en réinventant leur métier, en adaptant leur savoir-faire, leur réseau, leurs actions aux urgences du moment. Mieux, des associations se sont spontanément et immédiatement créées un peu partout en France pour faire directement face aux risques sanitaires. Quelques exemples notoires sont cités ici en fin de document, comme Stop Coronavirus venant en aide aux malades et à leurs familles, ou encore Les couturières masquées confectionnant bénévolement du matériel de protection.
Les associations au-delà de leurs propres rangs – c'est peut-être l'essentiel pour l'avenir – ont été aussi le fer de lance d'une mobilisation beaucoup plus large, d'un bénévolat informel, d'un esprit d'entraide, d'un élan civique qui ont infusé dans le corps social, même si des exceptions sont venues confirmer une règle généralement partagée. Cette associativité, ce lien d'association dont les organisations associatives sont naturellement les dépositaires et animateurs, laissent entrevoir une société civique. Plus civique à tout le moins, à l'heure où l'on ne cesse de dénoncer les incivilités. Un civisme de circonstance, sur commande bien sûr, stimulé par la peur de la contagion et la nécessité de se protéger en protégeant l'autre. Mais aussi l'expression d'un capital de solidarité, d'un potentiel que les pouvoirs publics devraient beaucoup plus cultiver, encourager et valoriser. D'abord le virus va encore rester actif et dangereux. Vaincu, il cédera tôt ou tard la place à une autre variante de la même espèce. Ensuite, on n'échappera pas à ce que beaucoup qualifient déjà de tsunami avec les vagues de nouveaux chômeurs, de précaires, de sans logis, d'exclus, précipitant une misère inédite déjà préoccupante. Ainsi les banques alimentaires comme les grandes associations caritatives comme le Secours populaire, se disent déjà débordées, et manquent de ressources.
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Plus généralement, la pandémie nous ramène à l'essentiel et nous rappelle quelques priorités et fondamentaux de la vie. La santé d'une population est la condition de la performance économique. Et si la santé suppose à son tour une économie, elle ne saurait se limiter aux professionnels et aux structures hospitalières dédiés. C'est toute une infrastructure humaine et de proximité avec les associations qui est aujourd'hui aux avant-postes pour maintenir le lien social, assurer des services à la personne, répondre à la demande sociale. Sans cette social-économie du quotidien particulièrement visible aujourd'hui, sorte d'économie du care à grande échelle, l'économie dans son ensemble sombrerait plus encore.
L'érosion reste pourtant contenue pour le premier employeur privé de France qui a également bénéficié d'aides de l'Etat comme le chômage partiel. Avec les moyens du bord et en dépit du ralentissement généralisé, les associations ont fait comme à l'habitude preuve de résistance, étant particulièrement sollicitées sur la période.
Pour autant, face à une conjoncture qui va continuer à se dégrader, les pouvoirs publics, au-delà de la reconnaissance de cette indispensable vitalité associative doivent poursuivre leurs aides, avec le retour des emplois aidés, avec un coup de pouce au service civique, avec des crédits supplémentaires, comme ils le font avec des moyens budgétaires considérables mis à la disposition de l'économie de marché.
Persiste ainsi l'idée que la vie associative est largement gratuite, qu'elle repose avant tout sur la bonne volonté des citoyens, et que de toutes façons, avec ou sans crédits, les associations feront le job. Cette absence de vision de ce que pourrait apporter une politique associative digne de ce nom, ne date pas d'aujourd'hui. Son absence est simplement un peu plus dramatique. Lueur d'espoir, le Mouvement associatif qui regroupe l'essentiel des associations, s'est lancé dans un vaste travail de définition de ses orientations stratégiques. Sa publicité permettra aux partenaires sociaux, économiques et politiques de se positionner et de dépasser les seuls discours d'encouragement au profit d'un meilleur accompagnement. On peut au moins l'espérer.
Roger SUE,
Sociologue, professeur à l’université Paris et chercheur au Centre d’Etude et de Recherche sur les Liens Sociaux (laboratoire CERLIS - CNRS). Président du Comité d’experts et administrateur de R&S.